!
Il faut bien comprendre qu'un bureau déserté le soir après 18h fait très bien l’affaire. Inutile de perdre du temps à négocier l'accès aux espaces blancs et légitimes. Ils ne sont légitimes qu’à la mesure de leur loyer qui laisse supposer que ce que l’on y place paye davantage que les charges. Nous n'avons que faire des murs blancs et des espaces vides si la recherche ne vise pas à innover du côté de la décoration ou du display. Ainsi quelques personnes se sont retrouvées un soir au 21ème étage d'un immeuble de bureaux et ont relayé leurs expériences sur un stream ouvert à tous. Se rencontrer pour éprouver ensemble de nouvelles hypothèses apparaît bien le seul motif digne d’estime puisque le reste est devenu histoire de like.
Après 18h les néons virent de livide à très livide. Ils éclairent l’invariance de la jauge de présence dans nos bureaux passifs. Labeur contre labeur, les désordres évoluent par le trafic des ascenseurs, du bureau au non bureau et retour de bureau. Tout ce que nous colportons — pas grand-chose en termes de meubles — se fait uniquement en temps négatif.
After 6 p.m. neon lights go from livid to very livid. They light up the invariance of the presence’s gauge in our passive office. Labor against labor, confusions evolve with the elevator’s traffic, from office to no office and back to office. Everything we peddle — not a lot speaking in terms of goods — happen only during negative hours.
Después de las 18 las luces de neón pasan de lívido a muy lívido. Alumbran la invariancia del calibre de presencias dentro de nuestras oficinas pasivas. Labor contra labor, los desórdenes evolucionan por el tráfico de ascensores, de la oficina a la no oficina y de vuelta a la oficina. Todo lo que ponemos en vitrina —no mucho en términos de muebles— se hace exclusivamente en tiempos negativos.
晚上六点之后,日光灯把苍白映射地更加惨淡,它照亮了这办公室里不变的存在总和一个作者 替换另一个工者,混沌在电梯的承载中演变,从办公室到非办公场所,再回到工作场域。我们 四处兜售的 — 那些称不上是贵重物品的 — 都只发生在反面的时间里。
(Mandarin traditionnel*)
晚上六點之後,日光燈把蒼白映射地更加慘淡,它照亮了這辦公室裡不變的存在總和一個作者 替換另一個工者,失序隨著電梯的升降演變,從辦公室到非辦公場所,再回到工作場域。我們 四處兜售的 — 那些稱不上是貴重物品的 — 都只能發生在負面的時間裡
www.immediat3.org/passif-office/
1
Lucas Jacques-Witz
Each worker his own fuel
www.immediat3.org/passif-office/ljw
www.lucasjacqueswitz.com
2
Marine Calamai
The Sun is Not Silent : Decoding
www.immediat3.org/passif-office/mc
www.marinecalamai.com
3
Enzo Galante
Perderse en la ciudad
www.immediat3.org/passif-office/eg
www.instagram.com/eh.galante
4
Enzo Luciano
Después de la vida / After life / 后世
cargocollective.com/enzoluziano
www.youtube.com/watch?v=Bs_O6l2TN3wwww.instagram.com/enzoluziano
5
Sylvain Fetet
Writing with tomato technique (three attempts) / Écrire sous la contrainte de la technique de la tomate (trois essais)
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6
Ruan JiaQin–Cathy
阮嘉沁Twixt (silence and noisy)
www.immediat3.org/passif-office/rjq
871438649@qq.com
7
Marianne Thibault
Facture
www.instagram.com/p/BpZgflsBtea
mariannethibault.eu
8
Gil Zinck
Collection d'âmes
www.immediat3.org/passif-office/gz
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9
杨啸 YANG Xiao
Calais 加莱
www.immediat3.org/passif-office/yx
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10
Maxime Magnin
Pack_WEX_office_2020
https://sourceforge.net/projects/pack-wex-office-2020/?fbclid=IwAR31puydp3h3Dhc2rpiYaXVW
cbwGqKZBv02ogUI4PZZGaW1kTeKvQsU-tScmagnin.maxime@hotmail.fr
11
Héloïse Aloncle
Knowledge Manager
www.instagram.com/helxmm
haloncle@laposte.net
12
Mathilde Gérard
Teaser_SNE.01
www.youtube.com/watch?v=6MVofoSeOaA&t=56s
mathildegerard088@gmail.com
13
Coug Itapece
Oudlers
www.youtube.com/watch?v=Wo3iuDfjtGM
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14
DeYi Studio
Multiverse
www.immediat3.org/passif-office/dys
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15
Alexis Chrun
do don't
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16
Cécile Petry
Oeufs de poules et oeufs de chiens / Chicken eggs and dog eggs / 鸡蛋和狗蛋
www.immediat3.org/passif-office/cp
www.cecilepetry.com
17
Ryder Morey-Weale
Certificate of Dispersion
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18
Maeline Li
Airport Session
www.maelineli.com
maeline.li@outlook.com
19
Chen Peiran
陈沛然Magic sound karaoke / 魔声卡拉OK
www.youtube.com/channel/UC0GA7Rlrgd4v6zsUAlpk5ng
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20
Marie Potier
Someone Behind
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PASSIF OFFICE : RAPPORT D’ACTIVITÉ
1 entorses - recherche
1a. embardées > obligatoires (par protocoles)
1b. flux > fait corps; incarnation; existence autant l’expliquer ne pas comme ça
1c. équilibre
2 construction - résidus
2a.pilule du lendemain
2b.conversations > feedback; retours; réactions
2c.construction de l’espace (pas simulé, rien à démonter)
3 frustration - efficacité
3a.compatibilité
3b.d’astreinte
3c.improvisation
4 désirs - méta ?
4a.déprofessionnalisation; attention (empathie) / à mort la médiation
4b.frasques > protocole+aigus
4c.re-flux > encore+souple
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→ Faire des choses qu’on ne sait pas faire du tout, en très peu de temps et sans moyens, mais en intégrant beaucoup d’autres auteurs.trices.
Cet article et l’organisation de Passif Office ont été pensés et réalisés par Mathilde Gérard et Héloïse Aloncle, avec beaucoup d’aides extérieures (Philippe, Marine, Paul, Xiao, Maxime...).
Nous avons organisé une soirée d'activation réunissant 20 projets d'artistes dans la Common Room, École Offshore, Shanghai, le 15 mai 2020. Toute la soirée a été diffusée en livestream sur bourg3on.net. Notre frustration des lieux fermés et l’inertie ambiante nous ont donné l’enthousiasme de réaliser Passif Office. Un texte manifeste écrit à deux nous a donné un point de départ. Nous l’avons traduit et fait traduire, pour se l’approprier plus, et pour le diffuser largement. Dans un premier temps, c’est avec le texte ci-dessus que nous avons proposé aux différents artistes de participer.
*Le mandarin traditionnel n’a pas été utilisé dans la communication, car Yi-Ping Huang, qui a traduit du français vers le mandarin traditionnel n’a finalement pas participé à l’événement avec un projet. Le placer ici cependant nous semblait nécessaire afin de montrer les détails du déroulement du projet.
Le programme de Passif Office s’est élaboré sur nos recherches conjointes. Nos travaux respectifs ne se ressemblent pas et pourtant de nombreux systèmes de réflexions et points de vue convergent. Fortes de ça, nous avons rassemblé les éléments que nous voulions mettre en oeuvre pour un projet collectif, dans nos bureaux, afin de les déformer et les ajuster à une vision commune et partageable.
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À l'ouverture de Passif Office, le premier éclat a été l’annulation du programme, évidente dès le début du stream. Nous l’avons laissé de côté pour se proposer des protocoles simples et adaptatifs. Ils nous ont permis des embardées, des glissements de terrain provoqués volontairement sans que l’on puisse en prévoir l’issue.
Ces erreurs volontaires se sont jointes tout d’abord, lorsque nous effectuions les premiers réglages de logiciels, à des ajustements de débit. La wifi locale ne nous permettait pas de retransmettre le stream dans le lieu même. Cela nous a guidées vers une disposition de l’espace liée aux contraintes. Contrairement à l’idée première de visionnage du “résultat” de la page du stream diffusée sur le grand écran, nous y avons connecté directement l’écran de la régie.
Ce chaînon scénographique nous emmène vers une nouvelle triche, cette fois à cause du son qui a changé de canal au dernier moment. Mais la régie connectée nous a autorisées à mêler d’autres flux provenant du même ordinateur. Ordinateur qui aurait pu être doublé, afin de suivre à la fois la régie et les retours sur le live. Il aurait eu toutes les données et aurait pu se substituer au premier en cas de besoin. L’ordinateur miroir aurait pu aussi nous éviter l’apparition en live d’un écran de conversation extérieure, révélant la présence constante de Philippe. Une maladresse, certes, mais qui soulève l’idée suivante : pourquoi ne pas éclipser ce qui se passe pour montrer plutôt une conversation à propos de ce qui se passe? Une conversation qui détermine l’action, en direct?
Nous avons essayé de contourner le problème de la chatroom qui montrait les connexions, mais pas les messages. Investir nos corps et nos voix en remplacement nous demandait beaucoup d’efforts ou de contenance, auxquels nous ne nous attendions pas. Nous avons retrouvé une certaine légèreté en commentant les actions sur l’écran du livestream, sur les images directement. Mais des documents en particulier n’ont pas pu être diffusés. Cet article nous permet à présent de les joindre et d’en proposer d’autres.
Le flux, en plus d’être sur Internet, était présent dans l’espace physique. Matérialisé par des câbles ridiculement longs, mais représentatifs de nos démarches, on s’y prenait les pieds, on les suivait du regard ou de la caméra, on les déroulait, les cachait, les portait, les débranchait - il a également fallu les acquérir (“mais pourquoi vous n’utilisez pas la wifi?”). Nos maladresses et hésitations incarnaient ce flux très physique, et en cela se rapprochaient du flux virtuel, qui posait question sans cesse. Le livestream nous a permis d’inverser de nouveau un système institutionnel afin de rendre aux participants leur place centrale. On peut en effet considérer que les espaces dédiés à l’art contemporain sont forts d’une “puissance magique”, par exemple avec leurs cimaises blanches, et des couches d’autres codes à respecter, que le livestream réfute d’emblée. Les questions qu’on nous posait alors étaient celles de l’erreur : pourquoi y a-t-il un panneau noir dans cette vidéo? Pourquoi le personnage ne bouge pas? Si un moment n’a pas de son, que doit-on faire? Et bien d’autres ainsi, soulignant toutes que nous étions sortis de l’espace d’exposition, espace qui ne tolère pas l’erreur, ou qui l’assume sans montrer la fourberie. Tout ce qui pourrait y faire doute est justifié par l’exposition et son espace. Dès lors que la question se pose, notre pied a glissé, nous nous sommes faufilés dans une culture, qui sans être contre est autre.
La fréquentation de l’événement a été une démonstration parfaite de l’idée Passif Office. La démonstration d’une sorte d’équilibre très particulier, involontaire.
Les participants sur les lieux ont été peu nombreux, sans doute un nombre équivalent à celui des employés d’un bureau de cette taille. Ils sont tous restés un temps très long, tout à fait inhabituel pour un vernissage. Ils se sont occupés avec quelques activités, ont discuté, n’ont rien fait de spécial. Comme des employés de bureau sans travail.
Simultanément, en ligne, le phénomène inverse s’est produit. Lors de nos longues conversations avec Philippe Blanc, nous essayions de rassurer ses craintes vis-à-vis du serveur (qui ne tiendrait pas si les streamers étaient trop nombreux), et estimions les participants à trente au maximum, sur toute la durée de la soirée. Peut-être que le nombre de streamers a été dix fois supérieur à celui de participants sur place. Dans le même temps, la chatroom est tombée en panne. Les streamers ne pouvaient pas communiquer avec nous, sauf ceux plus proches qui envoyaient des retours par d’autres moyens. On ne les voyait que par la jauge de présence, sur bourg3on.net. Ils se sont retrouvés nombreux, à l'extérieur du bureau, passifs, eux aussi. Toutes nos estimations préalables concernant le déroulement de la soirée étaient sans doute très sincères, mais finalement rien de plus que des cailloux dans l’eau, puisque nous n’avons pas pu avoir prise sur l'événement, sur la tournure qu’il prenait.
Nos bureaux ont digéré, un mois après Passif Office, leurs nouveaux espaces. Ils en ont aussi craché de nouveaux. Des allers-retours se manifestent, des utilisations se répartissent, de nouvelles personnes s’installent dans les canapés.
Mais au milieu de tout cela, entre l’événement lui-même et un retour aux jours habituels, s’est observé un petit flottement. Où range-t-on l’affiche? Peut-on garder le câble HDMI de quarante mètres pour la projection du lendemain? Combien garde-t-on d’impressions en archive? On attend que le prof de chinois efface le schéma DeYi Studio au tableau? Ces questions se posaient bien naturellement, car nous avons toujours gardé à l’esprit qu’il s’agissait de notre espace de travail. Peut-être que le témoin le plus présent était Each Worker His Own Fuel, car les cafés, presque figés pendant la soirée, ont été bus et déplacés surtout à ce moment-là. Comme une pilule du lendemain, un acte absolument anti-glamour.
L’après-événement nous a permis de prendre le temps de discuter des choses tout juste expérimentées, de faire un compte-rendu après-travaux pratiques enthousiasmant. Aussi de mieux comprendre pourquoi on faisait les choses, d’affirmer encore une fois certaines bases communes. Nous étions à ce moment cinq.
Par rapport à cette première expérience de streaming les intentions abondent. Inventer à nos expériences de nouvelles formes, qui leur permettent de se passer de médiation. Retourner, dans un sens plus juste, le jeu tordu de l’art contemporain. Reprendre le pouvoir de se placer aussi comme spectateur, pour pouvoir sortir du costume mal taillé de l’artiste.
La responsabilité qu’induit le streaming, par son instantanéité, est aussi une prise de pouvoir. C’est elle qui permet de se passer de médiation.
Le développement d’une sensibilité, d’une attention particulière pendant le live permet de ressentir la situation et de la modifier intuitivement. Cette pratique aide à construire les choses sans les passer au broyeur des diverses étapes de la monstration en art. Le fait que cette pratique ne soit pas reconnue, pas légitime en art contemporain, lui permet aussi de ne pas se plier à ses codes, de nourrir sa propre culture. La question du jeu est très présente aussi, plus seulement comme un ensemble de codes, mais comme une pulsion primordiale, un endroit où s’amuser à ce qu’on est en train de fabriquer est directement lié avec la qualité de la prestation. C’est aussi un lieu où l'émerveillement n’est plus naïf et négatif.
C’est tout naturellement qu’une fois l’espace nettoyé, les dernières photos d’archives faites et le rythme de travail habituel repris, l’espace installé pour Passif Office est devenu un espace de travail qui nous convenait mieux que le précédent. La scénographie n’en avait sans doute pas été une: nous n’avons pas performé l’espace du bureau, mais nous l’avons réinstallé d’une manière plus cohérente avec nos besoins journaliers d’espace de travail et de vie.
Les bureaux n’ont jamais été dénaturés, si l’on peut considérer d’un bureau qu’il est naturel. Par exemple, le schéma de DeYi Studio, réalisé au feutre Velleda sur le tableau de la salle de réunion, n’est effacé qu’avec l’arrivée de Mr.Chen. Il reste là seulement le temps qu’il ne dérange pas le bureau. Mais peu importe, il est réactivé ensuite sur un drapeau en Bretagne...
Nous avons été témoins, après un léger coup de pouce de notre part pour embrayer l’activité, d’un rassemblement autour du projet de coloriages, Oeufs de poules et oeufs de chiens. La douzaine de personnes sur place était majoritairement issue de différents milieux de l’art. Mais l’événement a été perçu comme surprenant parmi elles, joignant de nombreux niveaux de lecture entre les pièces, mais aussi à l’intérieur de celles-ci. Les colo riages ont invité ces quelques personnes à prendre place autour de la table pour une discussion informelleetlégère.Elles'approfondissaitsansquel’ons’enap erçoivepuisqueles crayons de couleur et les dessins restaient le noyau de l’attention.
L’efficacité de ce type de projet, dans le dispositif Passif Office, tenait sans doute au caractère passif qu’il proposait, à une sorte d’implication très légère, qui ne demande pas d’effectuer une action directement perçue comme un geste artistique. La dimension enfantine du coloriage permettait sans doute de ne pas effrayer, d’impliquer sans trop d’effort, de pouvoir faire les choses à la légère. Cette légèreté canalisait plusieurs personnes autour de la table ronde et permettait des discussions sans artifices. La compatibilité s’opérait par la simplicité de la demande, malgré un jeu légèrement biaisé par le public majoritairement spécialiste en art.
L’autre fort élément d’accueil que nous avions envisagé était le team building. Nous avons cherché quelles formes prennent les activités de team building en Chine, et avons gardé celle du hot-pot. Les bols de soupes continuaient le travail de convivialité, autour de la table ronde et dans le reste de l’espace.
Magic sound Karaoke emprunte aussi à la culture team building. Ce karaoke a bien sûr été rejoué, mais ni feint ni simulé, et a constitué la bande-son de Passif Office.
Nos présences disjointes nous ont autorisé un rythme inhabituel pour construire le projet d’un trait, sans interruption. Cela créait un flux, cette fois temporel et spatial. L’une ou l’autre était toujours prête à répondre au téléphone, si l’on s’autorise la comparaison avec le statut temporaire des personn es travaillant d’astreinte. Mais avec l’urgence toujours prête à être prise en charge, nous n’avons pas réalisé que viendraient des moments sans. Ceux-ci sont peut-être ceux de la médiation de certains projets. L’accueil même, nous l’avions prévu: nous avons imaginé l’espace comme propice et pouvant guider quiconque s’y aventure. Or, certaines pièces ne s’activaient pas d’elles-mêmes, malgré toutes les notices que nous pouvions leur scotcher. Faut-il penser que nous aurions eu besoin de médiation? Ou alors, ne pas présenter ce type de pièces? Elles ont aussi contribué à des déplacements et des conversations, à donner des sens à l’espace. Et leur confier un “astreinte” n’aurait certainement pas réglé le problème de fond que pose cette nécessité de médiation. La superficialité de cette dernière apparaissant évidente dans le dispositif, s’astreindre à veiller ces pièces, ça aurait sans doute été les desservir.
Después de la vida en est un exemple. Par un jeu de coïncidences, ce projet s’est déréglé la veille. Il devait être un streaming dans le streaming en raison de fuseaux horaires (entre Buenos Aires et Shanghai, les fêtes n’ont pas lieu au même moment...), mais il n’a pas pu être mis en place pour se joindre au nôtre. Son activation a donc été modifiée pendant Passif Office, et les participants sur place ont créé des attroupements, autour de l’ordinateur dédié, et ont exploré le jeu.
Notre attitude pendant les trois heures d’activation de la soirée s’est rapidement tournée vers l’improvisation. La musique d’improvisation établit un vocabulaire vers lequel nous pouvons nous tourner. L’improvisation qui s’émancipe des genres de musique existants est radicale dans son effort de ne ressembler à rien d’autre. Elle est individuelle, chaque musicien décide de ses sons propres. Lorsque les musiciens se rejoignent, ils ne répètent pas pour une représentation, ils pratiquent ou préparent les éventualités de la situation où ils vont jouer, ils préparent leur vocabulaire. En levant le nez de nos pupitres, nous abandonnions aussi l’immobilité liée aux espaces d’exposition. Nous gardions de plus nos volontés individuelles, nos idées qui s’initiaient sans l’aval des autres et se construisaient avant tout sur des confiances mutuelles dans un contexte particulier, entre le livestream et le lieu physique.
Toutes les idées soulevées sont pour nous à développer. Les frustrations nommées ci-dessus, ainsi que les axes qui ont fonctionné nous poussent à de nouveau renverser nos espaces.
Une idée de “reproduction” a remplacé la médiation. Plutôt que d'expliquer et de solliciter, le jeu se mettait naturellement en place lorsque nous démarrions une des activités pour qu’elle soit reprise par d’autres, par capillarité. Cette reproduction a une réalité plus commune, une existence moins performée, par son aspect fondamentalement pratique.
Le livestream, tant dans son organisation technique que dans sa mise en pratique remet en question la médiation. Les nombreux échanges que nous avons pu avoir avec Philippe Blanc ont souvent gravité autour de cette problématique. Ces discussions nous ont aidées tout au long du projet, en plus de la mise à disposition de bourg3on.net, d’un très fort soutien technique, et de feedbacks très constructifs quant au contenu de Passif Office.
Sur les lieux nous n’avons pas voulu jouer le jeu de la médiation. Simu ltanément, au poste de régie, en tant qu’intermédiaires ou opératrices entre le lieu physique et le moment en ligne, une tout autre dynamique à opposer au concept de médiation est apparue d’elle-même.
Le poste de régie demande une attention aiguë à l’environnement, mais ne permet pas d’y être précisément attentive tant la gestion technique demande de concentration. Avoir conscience que plusieurs personnes sont en direct en train de regarder le livestream, change très naturellement la manière de travailler. À l’instantanéité s’ajoute une responsabilité très forte, celle de l’attention du spectateur. Tous ces paramètres créent une sensibilité, une empathie dans la manière de procéder, qui se tourne directement vers l’attention que l’on porte aux participant.e.s du livestream. Cette attention toute particulière balaie et remplace la médiation, puisqu’elle est directe, qu’elle fait partie du travail, qu’elle n’est pas rejouée, écrite, déléguée. Elle permet de rendre les éléments compatibles, de ne pas segmenter tant les publics que les acteurs dans l’art contemporain. De proposer une dynamique qui tend vers l’horizontalité.
Les anfractuosités très nombreuses du projet dans son entier nous ont donné l’occasion d’affermir des idées, d’en tailler d’autres, de les affiner et de les adapter au format. L’exagération de contraintes, que nous cherchions sans doute en se lançant dans la mise en place de Passif Office, est petit à petit devenue partie prenante du protocole de travail. C’est ce dernier que nous voulons aiguiser encore plus, rendre plus contraignant et plus sévère. Cette dynamique nous a permis une inventivité de subterfuges, sans doute plus difficile à atteindre en situation non escarpée.
Toutes les contorsions mises en oeuvre pendant la préparation de Passif Office et les nombreux exercices de gymnastique nécessaires pendant sa durée précise sont encore une fois dus à une situation de départ complexe. Si les processus que nous imaginons se doivent d’être plus étroits encore, le travail en lien avec le flux internet, le stream, les autres participant.e.s, ne tend qu’à s’assouplir. Il est primordial de trouver de nouvelles stratégies pour être de plus en plus souples dans ce jeu en ligne, de plus en plus inventives, et de ne plus se contraindre aux règles esthétiques apprises ou aux protocoles magiques de l’art contemporain.